Une politique de santé publique ambitieuse doit se doter d’un bras
armé ; la fiscalité est ainsi le garant d’une réussite, ou non, de la
lutte contre le tabagisme. Or cette politique fiscale n’est pas aujourd’hui clairement
définie et hésite entre rationalisation des prix, exacerbée par le contexte
sociétal, et politique de prévention efficace, passant par une prise en charge
plus complète.
Le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour
2014 illustre cette dualité ; la politique de prévention contre le
tabagisme y est très insuffisante, parce que le choix porte sur la
rationalisation fiscale à travers la réalisation d’économies, davantage que sur
la santé.
Plus regrettable encore est cette incapacité à concilier les deux,
c'est-à-dire financer une politique de santé publique ambitieuse sans nuire aux
revenus petits et moyens -la critique majeure adressée à la TVA qui augmentera
en janvier 2014 à 20%.
En quoi est-il nécessaire d’approfondir et de compléter la prise en
charge des traitements à l’égard de la dépendance du tabac pour une politique
efficace de lutte contre le tabagisme ?
D’abord parce que les catégories de populations concernées par cette
prise en charge sont trop circonscrites : jeunes et femmes enceintes. Ensuite
parce la prise en charge actuelle seulement des traitements de substitution
nicotinique (TSN) se révèle trop limitée pour permettre le succès du sevrage
tabagique, surtout lorsqu’il s’est révélé être un échec la première fois.
Enfin, cette prise en charge ne peut se faire qu’à travers un parcours de soins
complet du fumeur, passant par un accompagnement d’un professionnel de santé, acteur
nécessaire à la réussite du sevrage tabagique.
Un PLFSS 2014 révélateur d’une
vision parcellaire des politiques de lutte contre le tabac
La Ministre des Affaires
sociales et de la Santé a lancé la Stratégie Nationale de Santé le 23 septembre
2013, en mettant en valeur 4 mesures traduites dans le cadre du PLFSS 2014. L’une
d’elles concerne le renforcement de la lutte contre le tabagisme et prévoit
ainsi d’aider à l’accompagnement des fumeurs lors du sevrage tabagique. Cette
mesure est inscrite dans le PLFSS 2014.
Afin d’aider les jeunes à l’arrêt du tabac des
jeunes adultes de 20 à 25 ans, le PLFSS 2014 (article 43) prévoit le triplement
du forfait financé par les fonds de prévention des caisses d’assurance maladie
(FNPEIS) pour le remboursement des traitements substituts nicotiniques de 50 à
150 euros. Viennent ensuite un accompagnement personnalisé et une facilité
d’accès à la prescription des traitements de substituts nicotiniques. Cette
mesure présente un coût estimé entre 16 à 73 millions d’euros.
Il
faut noter que toute tentative d’élargir la portée de cet article par des élus
militant pour une vraie politique de santé publique, en développant la prise en
charge ainsi que les programmes d’accompagnement et en construisant un vrai
parcours de soins pour le fumeur, notamment en Affection de Longue Durée (ALD),
s’est soldé par un échec -que ces amendements aient été défendus en Commission
des affaires sociales ou en séance publique.
Il faudrait ainsi faire un choix entre objectifs sanitaires et calculs
fiscaux.
Une fiscalité de la
cigarette complexe comportant différentes taxes…
L’outil fiscal le plus connu est celui de la TVA, augmentée en janvier
2014 à 20% (contre 19,6% actuellement). Cette hausse produira de fait un
relèvement du prix du paquet de cigarettes. Cependant la TVA est considérée
comme injuste car elle pénalise plus fortement les petits et moyens revenus.
Les droits de consommation forment la seconde partie de la fiscalité
du tabac. On peut agir sur les droits de consommation en augmentant le droit
d’accise spécifique. Le droit d’accise spécifique est une taxe par
cigarette, identique pour toutes les marques et actuellement très basse (12%).
L’inconvénient de l’augmentation du taux d’accise spécifique repose sur le fait
que les effets sur les prix bas sont peu significatifs. En effet, la hausse est
répercutée par les fabricants sur les paquets les plus chers, afin de laisser
les autres paquets au prix le plus bas, ce qui laisse ceux-ci en produits
d’appel.
Les minima de
perception, fixés par décret, forment la troisième partie de la fiscalité du
tabac. Les minima de perception sont un moyen de réguler la consommation
tabagique car leur augmentation permet de relever les prix les plus bas des
produits, afin que les paquets les moins chers ne puissent plus servir de
produits d’appels. En effet, les fabricants perdent de façon automatique une
part de ce qui leur revient dans la vente de la cigarette. Et s’ils souhaitent
avoir le même chiffre d’affaires, ils sont obligés d’augmenter les tarifs de
tous les paquets en vente sur le marché. A noter enfin que cette augmentation
garantit durablement les recettes de l’Etat, contrairement au droit d’accise
spécifique. C’est donc le moyen d’obtenir une vraie baisse homogène de la
consommation tabagique.
…Dont une permettant des objectifs
sanitaires ambitieux, sans pénaliser revenus faibles et moyens
Les minima de perception permettent donc de faire payer une politique
sanitaire ambitieuse par les industriels et non les consommateurs, sans
provoquer une baisse des recettes fiscales pour l’Etat.
Néanmoins l’Etat, face à un contexte actuel marqué par le « ras-le-bol fiscal » selon les
propres termes du Ministre de l’Economie et des Finances, semble opter pour des
mesures restreintes, ne nécessitant pas de financement. Rappelons que les dépenses
de santé liées à une consommation tabagique coûtent environ 18 milliards
d’euros par an tandis que les recettes fiscales sont évaluées pour leur part à
11 milliards d’euros par an.
Soulignons aussi qu’un euro dépensé dans la lutte contre le tabagisme
est un euro investi car il rapportera à l’Etat une somme supérieure. Les
résultats de l’étude de l’Unité de Recherche Clinique économique de
l’Île-de-France de 2013 souligne en effet le gain économique d’une
meilleure prise en charge du sevrage tabagique. Le coût des principales maladies
liées au tabac, cancer des bronches, broncho-pneumopathie chronique obstructive
(BPCO) et maladies cardiovasculaires, est de 5,6Md€ par an pour l’assurance
maladie. La prise en charge totale, c'est-à-dire à 100% du sevrage tabagique,
est évaluée comme la mesure la plus efficace.
Selon les données de la Caisse Nationale d’Assurance Maladies des
Travailleurs Salariés (CNAMTS), pour trois des trente affections de longue
durée (ALD), tels que le diabète, le cancer et l’insuffisance cardiaque, et en
ne prenant en compte que les cas fatals sur une période de 16,5 ans, un euro
investi dans le sevrage pourrait conduire à économiser 6,6 euros.
Une nécessite d’ouvrir la prise
en charge à tout le panel thérapeutique
La prise en charge complète de tout « traitement à l’égard de la dépendance tabagique » est inscrite
dans l’article 14 de la Convention cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac.
Cette convention-cadre ratifiée par la France implique par ailleurs de s’y
conformer, en tant que traité international donc contraignant. L’article 14,
datant de 2010, est contraignant et son contenu s’impose donc juridiquement aux
pays qui le ratifient (ce qui n’est pas le cas des lignes directrices
ou « guidelines » qui ont valeur de circulaire dans
l’administration française).
L’Institut National du Cancer (INCa) a souligné en juin 2013 un retard
dans l’application de la mesure 10-2 visant à renforcer la politique d’aide au
sevrage tabagique. La mesure 10-2 du Plan Cancer 2 reposait sur un triplement
du forfait de prise en charge au sevrage tabagique, étendu aux bénéficiaires de
la Couverture Maladie Universelle (CMU) comme cela avait été prévu. Cela n’a
ainsi pas été réalisé alors même que la consommation tabagique est un
révélateur des inégalités sociales, avec une augmentation de celle-ci chez les
chômeurs. Le Professeur Paul Vernant a remis son rapport sur les
recommandations dans le cadre de la préparation du Plan Cancer 3 (2014-2018) le
30 août 2013, dans lequel il recommande la prise en compte des difficultés à
arrêter sans soutien économique.
Le rapport rappelle par ailleurs que le remboursement des traitements
à l’égard de la dépendance tabagique est recommandé depuis presque dix ans -la
Haute Autorité de Santé (HAS) le recommandait dans un rapport daté de 2006, ce
que la Cour des Comptes a répété dans son rapport de 2013. La HAS avait par
ailleurs souligné que le forfait minimum de prise en charge pour un sevrage
tabagique efficace était de 180 euros par an dans un avis rendu en 2007.
Une nécessité d’impliquer les
professionnels de santé pour plus de réussite
Il est acquis qu’un accompagnement du fumeur dans le processus de
sevrage, quel que soit le type de professionnel le pratiquant, augmente de 75%
la probabilité d’arrêt du tabac (entre 66% et 84% pour un médecin et 30% pour
une infirmière selon l’IRDES).
La protocolisation d’un parcours de soins est notamment à mettre en
place pour les fumeurs souffrant des trois ALD suivantes : le diabète, le
cancer et l’insuffisance cardiaque. Selon la CNAMTS, pour ces trois ALD, et en
ne prenant en compte que les cas fatals sur une période de 16,5 ans, un euro
investi dans le sevrage conduit à économiser 6,6 euros. Pour la CNAMTS, une
généralisation de la prise en charge de tout traitement de la dépendance à
l’égard du tabac nécessiterait dès lors, en préalable, la protocolisation d’un
parcours de soins que devrait définir la HAS.
On ne peut que noter dans ce cas le parallélisme entre une prise en
charge complète du sevrage tabagique et une forte économie pour l’Etat. Il
semblerait donc qu’objectifs sanitaires et calculs fiscaux soient bien faits
pour s’accorder…
bravo pour avoir rendu compréhensible le fouillis des taxes et avoir rappelé l'intérêt de la prise en charge du tabagisme :il est évident financièrement pour la société ,li est évident pour la santé de tous sauf pour les cigarettiers!hélas ceux-ci sont de véritables criminels qui grâce aux profits colossaux que leur rapporte leur commerce ,achètent et corrompent nos gouvernants
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